Enfants voleurs à Paris : six ressortissants algériens vont être jugés pour traite d’êtres humains

Publié le 27/10/2023 sur Sud Ouest avec AFP

Photo : SudOuest


 

Le parquet a souligné le « parcours d’errance » de plusieurs dizaines d’enfants, dont 17 identifiés par les enquêteurs et âgés de 8 à 16 ans

Le parquet de Paris a récemment demandé que six ressortissants algériens soient jugés pour traite d’êtres humains aggravée : ils sont soupçonnés d’avoir, à Paris, initié à l’usage des psychotropes des mineurs isolés étrangers pour mieux les pousser à voler, a révélé des sources proches du dossier.

Le parquet a également réclamé que ces six hommes, âgés de 23 à 39 ans, comparaissent pour trafic de stupéfiants, psychotropes et recel de vol. Il demande aussi qu’un septième comparaisse pour trafic de psychotropes et recel de vols, mais pas pour traite.

Ses réquisitions, rendues le 15 septembre, soulignent le « parcours d’errance » de plusieurs dizaines d’enfants, dont 17 identifiés par les enquêteurs et âgés de 8 à 16 ans. Un « périple » allant de leur « traversée de la Méditerranée » depuis le Maroc ou l’Algérie, jusqu’à la tour Eiffel, leur « rêve ».

 

Combinaison des psychotropes

Là, sur le parvis du Trocadéro, les adultes sont accusés d’avoir initié les mineurs aux psychotropes « gratuitement, dans un premier temps », détaille le parquet. « Ils m’ont dit : « Tiens, prends ça, ça va te faire du bien »», affirme un Marocain âgé de dix ans, cité dans les réquisitions. « J’ai pris un demi-comprimé de Rivotril et après j’ai continué, continué, continué ». Des doses qui le « poussent à voler » les touristes « et même à être violent ».

La combinaison des psychotropes Rivotril et Lyrica provoque « une dissociation totale du corps et de l’esprit des jeunes consommateurs », souligne le parquet, qui y voit une « opération de recrutement » des adultes pour créer « une forte dépendance » des enfants à leur égard afin « d’en tirer un bénéfice financier ».

« La réalité est qu’ils sont tous livrés à eux-mêmes », rétorque Ruben Garcia, avocat d’un Algérien de 31 ans. « Mon client a aussi vécu dans la rue et s’est aussi retrouvé dépendant. Par conséquent, il s’est mis à vendre des cachets à des congénères, mais il n’y a pas d’organisation ou d’instrumentalisation » des jeunes.

 

« Un réel opportunisme délinquantiel »

Le parquet n’a pas requis la circonstance aggravante de bande organisée, qui aurait impliqué un procès aux assises. Ce que déplore l’avocate de l’association Hors la Rue, Céline Astolfe, pour qui « les risques immédiats de mort ou de blessures auxquels (les enfants) ont été exposés […] justifient le renvoi de cette affaire devant la juridiction criminelle ».

Si les investigations ont démontré « un réel opportunisme délinquantiel », elles n’ont « pas permis de dessiner une organisation parfaitement stable et structurée », a expliqué le parquet.

Ce dossier a toutefois « renversé l’approche du phénomène », s’est félicité Guillaume Lardanchet, directeur d’Hors la rue, association qui repère et accompagne les enfants et adolescents étrangers en danger. Avant, « on savait qu’il y avait des mineurs contraints à commettre des délits mais on fermait les yeux sur ceux qui exerçaient la contrainte ».

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